Quand je suis sortie du cinéma, j'avoue que je ne me sentais pas très bien.
Je ne suis pourtant pas une âme trop sensible et au niveau cinéma, je suis
suffisamment éclectique pour accepter tous les genres et toutes les histoires.
En plus, je suis plutôt bon public, je trouve toujours de bons côtés à une
création, là où ma moitié se montre parfois plus catégorique (et vice et
versa.) D'ailleurs, en parlant de ma moitié, il n'a pas voulu s'exprimer -
c'est dire! - tant il s'est senti floué.
Vous savez, je suis comme pas mal de personnes : quand on m'interdit quelque
chose, je m'empresse de le faire en y mettant tout mon coeur. Pire, de mauvaise
foi, même si l'expérience s'avère être un échec cuisant, je sais comment ne pas
perdre la face. Donc, forte de mes convictions et drapée dans mon ouverture
d'esprit de cinéphile enthousiaste, je vais voir le dernier film de Pascal
Laugier, produit par Richard GrandPierre à qui on doit notamment Meurtrières
(Coeurs, âmes et esprits sensibles, prenez garde !)
Mais là, je dois admettre que je suis très mal. J'ai horreur en effet de donner raison aux autres, les comités de censure, la critique sous toutes ses formes…
Bon, j'ai assez fait durer le suspense. Pourquoi Martyrs passe mal, alors que j'ai, par exemple, apprécié même à rebours Calvaire de Fabrice de Weltz et trouvé intéressant A l'intérieur d' Alexandre Bustillo ? Martyrs part d'une idée comme une autre, la définition du terme martyr(e) en lui même: martyr(e) veut dire témoin. Autour de cela, se développe une intrigue qui tourne autour de deux jeunes femmes interprétées brillamment par Morjane Alaoui (Anna) et Mylène Jampanoi (Lucie).
Lucie est placée dans une sorte de foyer pour enfants à problèmes après avoir subi violences et séquestration. Asociale et violente, elle est solitaire, jusqu'à ce qu' Anna la prenne en amitié. Lucie semble guérir en taisant ses supplices passés. Mais, une bête hurlante vient la mutiler pendant la nuit. 15 ans plus tard, Lucie, le visage et le corps couverts de multiples cicatrices, la haine, la colère et l'incompréhension dans les yeux vient régler ses comptes.
Elle connait l'identité de ses tortionnaires. La manière est radicale, brutale, sans merci. Elle est bientôt rejointe par sa seule amie qui découvre l'horreur de la scène. Jusque là tout va bien. L'image est maîtrisée, l'introduction met l'eau à la bouche, les comédiennes sont stupéfiantes.
Je me cale dans mon fauteuil, et j'attends la suite… un peu mal à l'aise…
Car la violence du règlement de compte me saute au visage et claque dans mes
oreilles encore longtemps après.
Le film se poursuit, la violence s'intensifie. Mais l'image persiste à être
belle… Et à un moment, (je ne vous dirai pas lequel, pour ne pas gâcher le
plaisir de ceux qui voudront aller voir le film) le scénario dérape.
Les fondus au noir rendent interminable une violence répétitive et cruelle : comme la comédienne, je suis couverte de sang, j'ai des bleus innombrables, je ne peux plus parler, je n'ai plus aucun espoir de survie… Les scènes de tortures s'éternisent. J'ai la conviction que toute cette violence mène quand même quelque part, alors je m'accroche et regrette toutefois de n'avoir pas picolé un peu avant la séance. J'ai mal au ventre, j'ai des plaies béantes sur les bras, une tête de femme battue à mort par son mari, assise honteuse devant l'oeil froid d'un fonctionnaire de Police. Je suis la petite fille ramenée d'urgence à l'hôpital pour une chute dans l'escalier. Vous me suivez ?
Les fondus au noir rendent interminable une violence répétitive et cruelle : comme la comédienne, je suis couverte de sang, j'ai des bleus innombrables, je ne peux plus parler, je n'ai plus aucun espoir de survie… Les scènes de tortures s'éternisent. J'ai la conviction que toute cette violence mène quand même quelque part, alors je m'accroche et regrette toutefois de n'avoir pas picolé un peu avant la séance. J'ai mal au ventre, j'ai des plaies béantes sur les bras, une tête de femme battue à mort par son mari, assise honteuse devant l'oeil froid d'un fonctionnaire de Police. Je suis la petite fille ramenée d'urgence à l'hôpital pour une chute dans l'escalier. Vous me suivez ?
Enfin, viennent quelques explications. On comprend mieux mais pas tellement.
Les 50 premières minutes m'ont conditionnée. Je m'attendais à autre chose, de
plus fantastique, de plus viscérale, et surtout de plus finement amené. Comment
faire passer un message fort, crédible, pertinent après de telles images? Y en
a-t-il un au fait, de message? Mais pourquoi chercher un message quand il n'y
en a pas ?!… Et cette photographie qui s'obstine à être magnifique! Les
motivations restent ignobles car Pascal Laugier a oublié de les aborder
avec la force qu'il a utilisée pour évoquer les moyens.
Un peu déçue… J'ai assisté à quoi en fait?
Du coup, je ne peux m'empêcher de penser au cinéma de genre (français mais
pas seulement) et au cinéma d'une manière générale. Peut-il tout se permettre?
La violence à outrance, l'exacerbation de la rétine du spectateur compatissant,
par un choc visuel qui devient forcément mental… Alors que nous vivons une
période où conditionnés par les médias, nous sommes devenus “indifférents” à la
violence quotidienne, aurions-nous besoin que l'art reproduise des chocs émotionnels
par l'image et le son, seuls capables de nous faire prendre du recul sur la
réalité ?
Le cinéma devrait avoir le bénéfice de sa propre nature, n'être qu'une transcription d'un genre de réalité, déformée par l'écran, les cadrages, mis en scène par les “névroses” de chaque réalisateur, donc forcément partial ? Le cinéma de genre doit-il faire son lit sur la banalisation de la violence et le reality show ?… Quel recul prendre sur les images filmées par Laugier alors que tout parait si réel? Quel discours mettre en place ? S'agissait-il d'un divertissement pervers ? Sommes-nous devenus des spectateurs “ pervers ? Je vais loin , là…
Le cinéma devrait avoir le bénéfice de sa propre nature, n'être qu'une transcription d'un genre de réalité, déformée par l'écran, les cadrages, mis en scène par les “névroses” de chaque réalisateur, donc forcément partial ? Le cinéma de genre doit-il faire son lit sur la banalisation de la violence et le reality show ?… Quel recul prendre sur les images filmées par Laugier alors que tout parait si réel? Quel discours mettre en place ? S'agissait-il d'un divertissement pervers ? Sommes-nous devenus des spectateurs “ pervers ? Je vais loin , là…
Plus brièvement, le cinéma contemporain cacherait-il le manque de scénario sous des effets de manches, je veux dire d'effets spéciaux ? C'est vrai que nous sommes habitués à voir de la violence au
cinéma. Je citerai par exemple Rec de Jaume Balaguero, Hostel
d'Eli Roth, La Colline à des yeux d'Alexandre Aja, Devil's Rejects
de Rob Zombie, Saw de James Wan, Old Boy de Park Chan Wook, Audition
de Takahashi Miike, Trouble Every Day de Claire Denis, Requiem for adream de Darren Aronofsky…)
Il me semble qu'ici la violence sert un dessein clair, justifié ou non, là n'est pas la question. Nous sommes aussi habitués à des scénarios qui se tiennent, quelque soit le genre cinématographique.
A ce propose, j'ai particulièrement aimé pour cela Dante 01 de Marc Caro, Juno de Jason Reitman, La sciences des rêves de Michel Gondry, Le labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro, The Fountain de Darren Aronofsky, 36 Quai des orfèvres d'Oliver Marchal, Shutter de P. Wongpoom et B. Pisanthanakun, Les neuf reines de Fabian Bielinsky, Mullholland Drive de David Lynch, Memento de Christopher Nolan, Usual Suspects de Brian Singer, La leçon de Piano de Jane Campion … Chacun attend, je crois, que chaque film soit une expérience intime, drôle, éprouvante, moralisante, singulière…
Il me semble qu'ici la violence sert un dessein clair, justifié ou non, là n'est pas la question. Nous sommes aussi habitués à des scénarios qui se tiennent, quelque soit le genre cinématographique.
A ce propose, j'ai particulièrement aimé pour cela Dante 01 de Marc Caro, Juno de Jason Reitman, La sciences des rêves de Michel Gondry, Le labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro, The Fountain de Darren Aronofsky, 36 Quai des orfèvres d'Oliver Marchal, Shutter de P. Wongpoom et B. Pisanthanakun, Les neuf reines de Fabian Bielinsky, Mullholland Drive de David Lynch, Memento de Christopher Nolan, Usual Suspects de Brian Singer, La leçon de Piano de Jane Campion … Chacun attend, je crois, que chaque film soit une expérience intime, drôle, éprouvante, moralisante, singulière…
Devant Martyrs, j'ai ressenti une peur viscérale puis un grand vide.
Comme une difficulté à me situer… De vous à moi, ce n'est pas franchement bon
signe.
Alors après ce petit commentaire gentillet mais qui donne le ton, si vous souhaitez voir ce film, buvez un coup avant ! Parce que si le but de Pascal Laugier était de faire un film de violences, c'est réussi, mais quel dommage!
Ma moitié s'en mêle finalement et vous dit : si vous voulez voir un film un peu glauque mais vraiment réussi, préférez plutôt Surveillance de Jennifer Chambers Lynch.
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Ema Dée vous remercie de votre curiosité et de votre visite. À bientôt !