Des histoires qui malmènent le Corps et la Nature.
Je trouve que le cinéma d’hier comme celui d’aujourd’hui offre de beaux exemples de
« métamorphoses ». Par exemple, chez David Cronenberg, un homme après s’être télé-transporté grâce à une invention géniale, se change lentement en mouche... Dans Mimic
de Guillermo del Toro, un insecte baptisé Juda, fabriqué en laboratoire pour enrayer une épidémie tueuse d’enfants, imite son plus grand prédateur, l’homme... Une femme,
persuadée de descendre d’une lignée de femmes maudites, craint de se changer en panthère nous raconte Jacques Tourneur dans son film fantastique La féline... Enfin, chez Joe Dante et son film Hurlements, des femmes et des hommes réunis dans un lieu thérapeutique appelé « la Colonie » se révèlent être tous, en réalité, des
loups-garous.
La mouche de David Cronenberg
Distr. : 20th Century Fox - 1986 - Interdit aux - de 12 ans
Remake du film La mouche noire de Kurt Neumann sorti en
1958, La mouche raconte l'histoire d'une expérience qui tourne mal. Seth Brundle (Jeff Goldum) expérimente la télé-transportation. Il est suivi dans ses recherches par la journaliste Véronica
Quaife (Geena Davis) dont il tombe follement amoureux. Un soir, un peu saoul, il tente l'impensable, se télé-transporter lui-même. Mais durant l'expérience, une mouche s'est introduite avec lui
dans le caisson...
Chacune de ces fictions apporte sa propre
définition de la métamorphose, irrite la rétine ou soulève le cœur - et si on se permet d’aller plus loin que les effets visuels remarquables pour l’époque qui les a vus naître -
des questions d’ordre éthique, psychanalytique, éthologique… Ces fictions d’ailleurs introduisent elles-mêmes la propre explication aux transformations que subissent leurs protagonistes ou
l’environnement dans lequel ils évoluent, comme une mise en abîme ou un avertissement. On apprend ainsi que le loup-garou représenterait en fait au regard de la psychanalyse une forme
métaphorisée des pulsions incontrôlées : l’homme réduit à son état le plus primitif serait l’expression d’une forme archaïque de la conscience... Le Juda, tout en étant une
forme de vie "mutante", conserve le comportement de l’insecte dont il est issu. Grégaire, il cherche à se reproduire et pour se protéger, montre un instinct de survie comparable
à n’importe quel insecte en danger dans son environnement : sans conscience, rapide, brutal….
Dans le film de Cronenberg, le scientifique Seth Brundle va périr sous le coup de son orgueil. Il scelle son destin au moment où il décide de devenir son propre cobaye, balayant d’un seul geste ses premières craintes, à la fois grisé par son propre pouvoir divin et son enthousiasme aveugle de chercheur. Et, c’est en suivant la description chirurgicale que fait le réalisateur des différentes étapes de sa mutation et qui atteint son paroxysme quand la tête de notre héros est arrachée faisant place à une forme bizarre aux yeux globuleux et poilus, qu’on se demande : Pourquoi ? Est-ce qu’on doit manipuler le vivant parce qu’on le peut ?
Dans le film de Cronenberg, le scientifique Seth Brundle va périr sous le coup de son orgueil. Il scelle son destin au moment où il décide de devenir son propre cobaye, balayant d’un seul geste ses premières craintes, à la fois grisé par son propre pouvoir divin et son enthousiasme aveugle de chercheur. Et, c’est en suivant la description chirurgicale que fait le réalisateur des différentes étapes de sa mutation et qui atteint son paroxysme quand la tête de notre héros est arrachée faisant place à une forme bizarre aux yeux globuleux et poilus, qu’on se demande : Pourquoi ? Est-ce qu’on doit manipuler le vivant parce qu’on le peut ?
Mimic de Guillermo del Torro (USA)
Distr : Dimension Film / Miramax Film - 1997
New York. Susan Tyler (Mira Sorvino), une brillante entomologiste et généticienne et son mari Peter Mann (Jeremy Northam) conçoivent une espèce nouvelle
d’insectes afin de décimer la population des cafards ordinaires responsables de la mortalité foudroyante des enfants. Conçu stérile et programmé pour ne durer que très peu de temps, le "Juda",
trois ans après la fin de la maladie, réapparait dans les égouts de la ville…
Le film de J. Tourneur est quant à lui complexe à mes yeux. Difficile en effet de déterminer avec
assurance s’il s’agit d’illustrer, grâce à une mise en scène subtile et des effets spéciaux inédits, la cruelle malédiction qui pèse sur les jolies épaules d’Irena Dubrovna, d’évoquer une forme de folie ou de fragilité mentale, ou
simplement de parler d’une manière poétique de la nature animale de la femme. Je crois cependant que toute la force d’un sortilège réside dans le fait que sa victime y
croit. Alors, y aurait-il eu suggestion au moment où notre héroïne croise le regard de la belle femme au visage de chat, regard qui envoûte pareillement le spectateur ? Est-ce parce
que la jeune femme croit être de nature féline qu’elle devient une panthère ?
La féline de Jacques Tourneur (USA)
RKO - 1942
Kent Smith (Olivier Reed) et Irena Dubrovna (Simone Simon) se rencontrent dans un zoo. L'homme
est immédiatement séduit par cette femme étrange. Celle-ci ne cède pas facilement aux charmes du bel ingénieur. La jeune femme porte en effet un lourd secret qui perturbe sa vie amoureuse :
elle doit éviter tout mouvement de jalousie, excès de colère ou sentiment de haine, au risque de se changer en panthère. Malgré cette excentricité, Kent la demande en mariage. Irena se refuse
pourtant à lui et est envoyée consulter un psychiatre qui tente de la convaincre de sa normalité...
Je me suis fait un réel plaisir de revoir ses quatre films pour les besoins de mon étude des peurs liées au
corps, tant d'un point de vue littéraire qu'artistique. Je m’intéresse notamment à ce qui fonde l’effroi face aux modifications visibles dont il fait l’objet volontairement ou
non, et cherche à savoir ce qui crée la peur (le dégoût, l’horripilation et l’inquiétant.) Bien plus, j’aime dans ces oeuvres la puissance des images, cette capacité du cinéma à
donner corps à l’impossible, au merveilleux, ou à l’horreur : les combinaisons contre nature, le passage d’un genre à un autre, la putréfaction de la chair, les formes mutantes... Je suis
également sensible aux idées qui me semblent les traverser, comme celle de l’esprit triomphant sur le corps dans La féline, le ça sur le surmoi dans
"Hurlements", le hasard et l’imprévisible damant le pion au sacro-saint savoir de la Science dans La Mouche ou Mimic… qui sont, pour moi, autant de facettes d’un même
sujet : la condition humaine.
Hurlements de Joe Dante (USA)
Distr. UGC Distribution - 1980 - Interdit aux - de 12 ans
Los Angeles. La journaliste Karen White (Dee wallace) accepte pour les besoins d’une enquête
sur des meurtres sanglants, de rencontrer l’auteur présumé de ces crimes, un certain Eddie Quiest (Robert Picardo) dont elle reçoit régulièrement les appels.
La police qui s’est engagée à suivre sa trace la perd ; Karen se retrouve seule au lieu du
rendez-vous, un minable Sex Shop. Dans la cabine, Eddie lui révèle la fascination qu'il a pour elle et alors qu’elle s’attend à découvrir enfin son visage, elle ne perçoit qu’une ombre
rugissante dont elle échappe de justesse. Traumatisée, elle part à "la Colonie" se reposer sur les recommandations du docteur George Waggner (Patrick Macnee)...
Que dire finalement de cette « représentation » du corps à l’aune de ces quatre histoires ? Le corps
n’est qu’une enveloppe fragile qui renferme une nature compliquée, en tension permanente, sur le qui-vive. Le corps humain n’a rien d’inviolable ou de sacré, il doit mourir et faire place à autre
chose. Combinaison entre deux mondes voisins, il devient un monstre surhumain. Ensuite tout changement apporté à la nature des choses est dangereux et irréversible. Le refus de l’homme face
à sa propre monstruosité le condamne à la folie ou à la mort. Enfin, la supériorité de l’Homme semble mise en défaut.
Grand manipulateur du réel et laboratoire d’expériences intenses, le cinéma fantastique et d’horreur
montre en accéléré les conséquences possibles ou fantasmées d’actions pas forcément perceptibles à l’échelle d’une vie. Plus le dégoût est grand, plus fort est l’impact et le message
immédiat. En tout cas, pour ma part, je me suis demandé s’il ne s’agissait pas, à travers ces fictions, d’évoquer la finitude de la vie, la peur de la mort, la névrose de
la persécution présente en chacun de nous à des degrés divers, la peur de la manipulation et du destin et pour finir, la crainte collective de l’extinction de l’espèce humaine.
Bon, j’extrapole, mais tout cela ne me parait pas si dénué de fondement, non ?
© ema dée
© ema dée
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire
Ema Dée vous remercie de votre curiosité et de votre visite. À bientôt !