Lucius dormit mal ce soir-là. Il eut chaud de manière anormale dans sa petite chambre de bonne installée sous les toits d'un immeuble de la rue de l'Hermet dans le 9ème arrondissement et dans son petit lit modestement recouvert de deux couettes un peu fines achetées depuis des lustres par sa mère et qu'il conservait par devoir filial. Qu'il eut chaud était surprenant, car d'habitude, il faisait plutôt frais dans sa mansarde louée meublée et les yeux de la tête en plus ! Malgré les excès poussifs et brûlants du chauffage sur roulettes que Lucius baladait partout derrière lui, il était souvent mal à l'aise dans cet intérieur d'étudiant en troisième année de Géographie aspirant à la Cartographie. Il dormit mal ce soir-là car il eut chaud de manière anormale et parce qu'il fit une série de cauchemars emboîtés les uns dans les autres sans logique mais avec violence. De cette sorte de cauchemars où il se vit enfermé dans un cube sombre sans ouverture et tapissé à l'intérieur de limaille de fer d'où pendait dans un coin une étiquette sur laquelle il put lire Supérette Shopi, de cette sorte de cauchemars où des visages familiers le regardaient en pleurant, en riant, en criant, certains visages à la bouche sombre sans dent, d'autres aux orbites creuses visitées par des mouches à merde bleues, d'autres encore, la chevelure furieuse formant autour de leurs faciès amis et muets des colonies de gros vers piqués d'hameçon au bout d'une canne à pêche invisible, tendant, tous, au bout de leurs doigts en médium Ikéa, des tickets de caisse où dansaient des zéros et des croix, de cette sorte de cauchemars où, assis sur le bord d'une falaise, les pieds au-dessus d'un champ de salades de laitue gigantesques, il conversait avec un homme à tête de balai qui éternuait avec un bruit de machine. A ce moment-là, Lucius se demande s'il n'est pas extraordinaire qu'il y ait du bruit dans son cauchemar.
Lucius dormit mal ce soir-là car il eut chaud de manière anormale et parce qu'il fit une série de cauchemars emboîtés les uns dans les autres sans logique mais avec violence et parce qu'il digéra toute la nuit vraisemblablement le plat de dombré pied de cochon et haricots rouges relevés de piment oiseau plus redoutable qu'à l'accoutumée que lui avait amoureusement préparé sa copine Mona, artiste sculptrice minimaliste de son état, pour le féliciter d'entamer son second CDD à la supérette en bas de son immeuble en tournant à gauche après le feu tricolore - enfin, il se stabilisait ! lui qui ne pouvait pas rester plus d'une semaine dans un job alimentaire, tracassé qu'il était de se trouver plutôt une activité salariée en lien avec ses études tracées maladroitement au Rotring 0, 05 mm sur feuille de rhodoïd A4. Lucius dormit mal ce soir-là car il eut chaud de manière anormale et parce qu'il fit une série de cauchemars emboîtés les uns dans les autres sans logique mais avec violence et qu'il digéra toute la nuit vraisemblablement le plat de dombré préparé par Mona dont la présence volubile était devenue comme une masse pesante qui occupait tout son espace vital et dont le caractère autoritaire, versatile et dirigiste lui faisait beaucoup trop penser à son père décidément. Mona lui faisait peur malgré l'attraction douloureuse de son corps vers le sien. Tout cela remplit le cœur et l'esprit de Lucius d'une certaine confusion bien avant le réveil. Les yeux à présent ouverts, allongé sur son lit de petit garçon, il considéra le plafond couvert d'un tissu sombre et le petit globe terrestre posé en haut de son armoire. Il se sentit las tout à coup. Le jeune homme décida de ne pas aller travailler ce jour-là, ni celui d'après d'ailleurs, il fallait de toute manière qu'il déménage, qu'il bouge ailleurs, qu'il fuit en somme. Les chambres d'étudiant qui vendent du confort au rabais dans une seule pièce carrée ont fini de lui donner des cauchemars épouvantables de claustrophobie.
Ce texte a été écrit en utilisant un des exercices/ situations de création proposé dans l'atelier Histoire et Théories des Arts du Master Lettres et Création littéraire contemporaine proposé par Maxence Alcalde, enseignant-chercheur aux multiples activités dont professeur de philosophie et de culture générale. De quoi s'agit-il ? C'est très simple : postez-vous simplement devant une œuvre contemporaine pendant 45 minutes, une œuvre que vous n'aurez pas choisie, qui vous est inconnue, vous regarderez le cartel qui la décrit plus tard.
Crayon et calepin ou dictaphone à la main, notez ou dites tout ce qui vous vient à l'esprit. Au bout des 45 minutes après avoir soufflé - et souri aux visiteurs qui ne comprennent pas ce que vous fichez devant la même œuvre depuis tout ce temps alors qu'il y a tant d'autres belles et intéressantes choses à voir - reprenez vos notes et composez tranquillement, chez vous, soit :
Crayon et calepin ou dictaphone à la main, notez ou dites tout ce qui vous vient à l'esprit. Au bout des 45 minutes après avoir soufflé - et souri aux visiteurs qui ne comprennent pas ce que vous fichez devant la même œuvre depuis tout ce temps alors qu'il y a tant d'autres belles et intéressantes choses à voir - reprenez vos notes et composez tranquillement, chez vous, soit :
- un texte de fiction,
- un poème ou un texte en prose,
- un texte argumentatif,
- ou tout autre texte de création, de critique ou d'esthétique.
L'une des idées qui sous-tend cette proposition est que l'Art contemporain ne jouit pas d'une très bonne réputation et que s'il attire les curieux, il ne fascine pas autant que les œuvres antiques, classiques ou modernes exposées au Louvre ou au Musée d'Orsay, par exemple si on se limite à la France. On aurait tendance, en effet, à jeter un œil vite fait pour être libéré du "mauvais goût" ou du "n'importe quoi" contemporain. Il faut parfois s'obliger à regarder sans porter de jugements hâtifs pour saisir un message ou être touché. Car, il y a dans les œuvres contemporaines des références à l'art du "Passé" - elles ne partent pas de rien, elles possèdent aussi une certaine esthétique à laquelle il est possible d'être sensible et elles proposent des discours - à décoder, bien sûr ! - et des mises en scène de questionnements et de problématiques actuels ou à venir. Ensuite, écrire sur une œuvre uniquement à partir du contact privilégié - en dehors de tout discours critique extérieur - que vous aurez réussi à entretenir avec elle est une piste intéressante... Votre texte quel qu'il soit explicitera vos impressions devant l’œuvre qui vous aura choisi.
Limites/ Approfondissements :
Vous êtes décidément allergique à l'Art contemporain ? Difficile alors en effet de rester plus d'une demi-minute posté devant une installation ou une performance filmée... dans l'espoir que quelque chose de grand arrive.
Comment se sortir de ce guêpier ? Essayez de considérer l’œuvre qui vous fait face comme une simple illustration d'un récit ou d'une pensée personnelle. Oubliez que vous n'y connaissez rien à l'Art contemporain ou tout autre art, vous êtes forcément sensible. Ici, il ne faut pas se tromper, il s'agit simplement de questionner son rapport à l'Art contemporain, le temps de produire un texte.
L’œuvre le Socle du Monde m'a frappée par sa présence incongrue dans l'exposition. J'ai été par ailleurs gênée par sa surface irrégulière, tortueuse, son aspect bizarre qu'on aimerait toucher mais pas vraiment. Ensuite, je me suis demandée ce qu'il y avait dedans et je suis restée sur ces trois impressions pour écrire ma petite fiction.
Limites/ Approfondissements :
Vous êtes décidément allergique à l'Art contemporain ? Difficile alors en effet de rester plus d'une demi-minute posté devant une installation ou une performance filmée... dans l'espoir que quelque chose de grand arrive.
Comment se sortir de ce guêpier ? Essayez de considérer l’œuvre qui vous fait face comme une simple illustration d'un récit ou d'une pensée personnelle. Oubliez que vous n'y connaissez rien à l'Art contemporain ou tout autre art, vous êtes forcément sensible. Ici, il ne faut pas se tromper, il s'agit simplement de questionner son rapport à l'Art contemporain, le temps de produire un texte.
L’œuvre le Socle du Monde m'a frappée par sa présence incongrue dans l'exposition. J'ai été par ailleurs gênée par sa surface irrégulière, tortueuse, son aspect bizarre qu'on aimerait toucher mais pas vraiment. Ensuite, je me suis demandée ce qu'il y avait dedans et je suis restée sur ces trois impressions pour écrire ma petite fiction.
Et voilà, c'est tout pour l'instant !
A bientôt !
La plage du Havre par temps clair, frais et sec. |
© ema dée
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Ema Dée vous remercie de votre curiosité et de votre visite. À bientôt !