"Quand je vais au cinéma, explique quelqu'une, c'est pour être divertie, transportée, apprendre quelque chose, je veux que le réalisateur m'amène dans un quelque part qui me dépasse. Résultat, je me retrouve face à un quelque chose que je ne comprends plus, qui ne s'adresse plus à mon intellect ; c'est ça qui m'intéresse".
Moi, je suis de cet autre genre de spectatrices qui aiment faire des comparaisons. Entre les films d'un même réalisateur/ trice ou d'un/e acteur/ trice (quand je m'en souviens clairement, s'entend). Il m'arrive de faire des comparaisons aussi avec d'autres arts parce qu'ils abordent le même thème ou parce qu'ils ont recours à des "artifices" de narration, de création d'ambiances ou de sensations... voisins. Cela autorise une sorte de regard croisé.
Avec
Gaspar, je suis comme bien empêchée. Car je ne connais pas sa
filmographie ; j'ai bien vu passer sur le Net des images du singulier Climax ou de l'hypnotique Unter the Void, j'ai bien entendu parler du très dérangeant Irréversible... C'est insuffisant pour se rendre vraiment compte. Après avoir vu Lux Aeterna, je crois pouvoir dire sans sourciller, qu'il faut assister au Film de G. Noé, dans une salle prévue pour, il faut pouvoir entrer
dedans et accepter de se laisser submerger en retour. Fondant cette observation à postériori, je peux dire néanmoins avec certitude que quelques
images, des extraits à la volée de Lux Aeterna, regardées du bout des yeux sur son écran d'ordinateur, me semblent être du coup passablement insuffisantes, en effet.
Je ne crois avoir vu un "film"; ça a à voir davantage avec la participation, oui, j'ai plutôt participé à une expérience d'Arts visuels, qui soudain sans alerte devient immersive. Un objet plastique, éminemment sonore, qui tripatouille le concept de mise en abyme, s'est déroulé devant mes yeux durant 50 minutes environ. La mise en abyme du cinéma par le cinéma lui-même, on connait ; on en reconnaît les signes, les formes et l'intention. Et pourtant dans ce cas-ci, face et dans Lux Aeterna...
Quels sont les faits ? Gaspar Noé filme l'actrice Béatrice Dalle filmant l'actrice (et chanteuse) Charlotte Gainsbourg. Dans une ambiance feutrée propice à la confidence qui évolue (dégénère) en un chaos lumineux saturé de voix, la lux aeterna.
Dans le détail. Après une scène d'aimable conversation posée sur canapé (plutôt un monologue un tantinet barré, une logorrhée de Béatrice face aux contradictions de Béatrice, une sorte de narration... autofictionnelle), qui, parce qu'elle est comme une introduction, une préface qui donne des clés précieuses pour la suite, me rappelle les plans bavards des films de Quentin Tarantino. (Ici, certes, je prends des raccourcis, je schématise.) Après cela donc, une mise en mouvement : Béatrice se lève enfin, Charlotte à sa suite, elles changent de pièce, quittent le douillet canapé, quittent l'espace filmique dans lequel Gaspar les a confinées toutes les deux, le tournage doit commencer, l'action s'accélère, Béatrice attend, on attend avec Béatrice, on ne comprend rien, pas plus que Béatrice, puis, ça tourne, oui, mais quoi ? Qu'est-ce qui se tourne ? On ne sait pas vraiment ; est-ce un plan d'essai ou est-ce la vraie scène qui prend corps sur la scène ? Et, dans une sorte de chaos de voix hors champ et diégétique, et qui va crescendo, à l'appui, une multiplication des points de vue, l'espace uniforme du tournage éclatant en multiples espaces d'expériences/ visions individuelles, Béatrice perd contenance, dans la lumière, Béatrice pète un plomb, dans la lumière, l'image nous explose dans la rétine et dans la lumière, le film fige toute ma capacité de réflexion.
Je ne suis plus qu'un œil dans un champ de lumières. Médusée.
Non, piégée. Non, englobée, mieux... aspirée !
Le film de Gaspar a bien commencé, mais celui de Béatrice est en chantier. Il s'agit finalement de tourner une seule scène. La scène. Comme les seconds rôles féminins, on ne saura rien de ce qui doit se raconter, de comment cela va être raconté, si ça vaut le coup de rester à se demander quoi qu'est-ce. Il faut être là tout simplement, et assister pour savoir ce qui va être filmé. On ne saura rien à l'avance. Le spectateur est là, dans son siège/ piège de cinéma, pour témoigner que le film a commencé, mais le vrai propos arrive plus tard, le climax où le réalisateur filme Béatrice lâchant prise, Charlotte quasiment possédée, la lumière envahissant l'écran...
En amuse-rétine, juste avant la conversation tranquille devant la cheminée, une entrée en matière pédagogique, en noir et blanc et pour le moins curieuse : une scène de bûcher précédée d'une présentation très documentée d'instruments de tortures utilisés au Moyen-Age pour révéler les sorcières.
Et Béatrice s'intéresse particulièrement au bûcher.
n.b. : je m'autorise à fournir ici une définition de ce que j'appelle un "chaos de voix hors champ et diégétique". Il y a autant de lignes narratives qu'il y a de personnages dans le film, chacun semble poursuivre ses propres motivations jusqu'au climax. Ce qui tient tous ces éléments disparates qui, comme des ions chargés positivement et négativement, s'affrontent dans un espace (scénique) trop petit ? Ils ont rendez-vous avec une scène à tourner. Chose particulière, c'est une scène qui est soutenue par trois points de vue différents qui convergent pour ...
Fin de l'expérience de critique, car mes mots se suivent s'enchaînent s'enfilent autour du fil de l'écriture cherchant à (s')expliquer, alors que sur le sujet, finalement, il vaut mieux se faire son idée à soi.
©ema dée
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Ema Dée vous remercie de votre curiosité et de votre visite. À bientôt !