À partir d'un ensemble de portraits de femmes, faits rapidement, sur papier ordinaire entre 2016 et 2018, je me lance depuis cet été dans un projet qui me pose questions et avance par à-coups. Comme d'habitude quand il s'agit en quelque sorte de "réactiver mes propres archives".
Ce projet trace cependant et dans le même mouvement, de nouvelles perspectives dans la conception d'un objet print, la réflexion sur le lien texte-image ou sur le simple acte de dessiner lui-même. En cela, il stimule une création qui cherche à déjouer en permanence les solutions toutes faites, les certitudes, tout en identifiant ses récurrences, ses fondations.
Très brièvement, retour en quelques mots sur la genèse de cette toute première série : il y a quelques années pour me contraindre à dessiner régulièrement, j'avais mis en place plusieurs exercices réguliers. La célébration de fêtes calendaires, nationales ou internationales, par la création d’œuvres graphiques, et travailler à rendre visibles mes références artistiques dans des productions picturales ou des illustrations inédites en faisaient partie.
La série de femmes dessinée d'abord au crayon est le résultat d'errances dans les pages de magazines papier, collectées et soigneusement rangées dans un classeur — l'indispensable classeur dans lequel année après année, je range des images qui m'interpellent, m'inspirent, me ressourcent. Je choisirai 30 pièces, entre portraits de mannequins en pied et fragments de corps : ces images de 9 cm x 9 cm seront publiées sur un autre compte — en catimini.
Plus tard, bien plus tard, je sélectionnai 12 portraits, sans vraiment savoir où aller ou quoi en faire. Ma seule certitude ? L'envie d'explorer et de ré-explorer mes outils et mes procédés graphiques à partir du sujet féminin — topos dans ma création. Plusieurs opérations s'enchaînèrent. Elles aboutirent à la fabrication d'abord d'un carnet dont les quelques pages étaient faites avec des matériaux différents, papier, carton de récup', feuilles de polypropylène et de rhodoïd. J'en fabriquai un second, plus petit encore, qui réunissait les portraits redessinés pour leur part, sur papier carbone bleu, photocopiés puis colorisés avec du papier carbone également, mais cette fois de trois couleurs, bleu, rouge et noir — tout ce que je possède à ce jour. Ce livre-ci évolua car j'y ajoutai un texte inédit sur la colère : l'objet relié à la main avec une ficelle se compose alors d'une série de femmes bavardes et d'un texte bref.
Mais quelque chose clochait. Pour diverses raisons, je remis en question l'une après l'autre la forme définitive des deux objets.
Un mois après, l'idée et l'envie d'élaborer un nouvel objet à lire, d'y faire se croiser textes, images et dialogues sont restées. Elles furent cependant écartées — temporairement — au profit d'un laisser - aller à un véritable jeu graphique, fondement d'une recherche-création à venir, et mené au fil des jours, dans l'expectative intime de découvertes, de surprises et d'associations nouvelles. À tâtons, une série de séries — à la fois identiques et distinctes — exécutées sur divers supports a pris forme, grâce :
– à l'utilisation du feutre pinceau, du feutre noir et de couleur, de la craie grasse et du crayon de couleur, d'encre de linogravure, de papier transfert, de l'encre de Chine, du marqueur noir et de couleur, du feutre indélébile, du lavis d'encre de Chine noire et de couleur ;
– au recours à l'aplat, le cerne, le griffonnage, l'ornementation, la simplification ou l'amplification, le dessin au trait ou la colorisation ;
– enfin, à l'emploi de divers supports : du calque, du papier blanc Rosapina — recommandé pour la gravure, du papier C à grain Canson, des feuilles plastique plus ou moins fines, transparentes ou opaques...
Aujourd'hui, ce sont presque 15 variations d'un même sujet graphique que je dois mettre en scène et en pages... Ce sont presque 180 nouvelles femmes à qui je dois donner la parole, et pour lesquelles je dois imaginer la tribune adéquate.
Dans mes explorations, je m'appuierai plus ou moins fortement sur la réflexion de Marlène Dumas sur le sujet "corps féminin", une certaine forme de collection - recollection proposée par Sol Lewitt dans ses livres d'artiste (le terme "collection - recollection" étant emprunté à Anne Moeglin-Delcroix), enfin, une idée de la série aléatoire de Paul Cox (cf. Codcodex, Thierre Magnier, 2004).
Mais avant tout, cette réalisation en série se nourrit des ressources mêmes des techniques, outils et précédés convoqués, de ma sensibilité et de mon attention accrue à la réaction sensibles des matériaux utilisés — pour certains, fortuitement. Les découvertes ouvrant sur d'autres explorations, du trait qui figure et défigure, de la transparence, de la mise à distance du sujet, de l'appropriation d'un corpus d'images de presse et de la répétition du geste... à partir d'une matrice.
Affaire à suivre...
©ema dée
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