J'ai commencé à fabriquer des poupées l'année où j'ai eu un accident de travail qui m'a forcée à rester assise pendant plusieurs semaines. Une envie m'a prise, soudaine, d'assembler des bouts de tissus ensemble pour figurer des corps de femmes. C'était en 2009. Il reste peu de traces de cette première production brute et spontanée. Cependant, je l'ai poursuivie dans différentes directions, jusqu'au jour où je me suis demandé si ces créations, hésitant entre la poupée et la sculpture, ne pouvaient pas plutôt être conçues pour s'animer ou prendre place dans une histoire. Je n'ai pas encore répondu à cette question, précisément ; par contre, j'ai souhaité explorer la pratique de la Marionnette.
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Marionnette n°1 : Marion
Contexte de création : Un atelier d'art-thérapie auquel je me suis inscrite avec l'envie de bousculer mes habitudes créatives, de me surprendre en travaillant avec des outils et des médiums inédits ou en utilisant autrement des techniques graphiques et plastiques plus familières.
Durée de la création : J'ai commencé ma marionnette en juin de l'année dernière. Je l'ai terminée pendant les vacances d'été, en m'y mettant sérieusement et en avançant tranquillement, par étapes.
Déroulement : L'envie de créer une marionnette était cachée dans les replis de ma création quotidienne. Je fais du modelage et de la couture depuis un moment, autour de l'idée de fabriquer un inventaire de femmes en volume ; j'ai réuni de la documentation sur le sujet dans la perspective de m'y mettre un jour. Pour autant, pour le démarrage, j'ai suivi essentiellement les conseils de mon art-thérapeute.
Le point de départ est une tête fabriquée en argile à partir d'une boule de polystyrène achetée dans un magasin de loisirs créatifs et montée sur un support fait à la main, pour faciliter la création des détails et la manipulation. Un point important : penser à modeler un cou suffisamment long terminé par un petit bourrelet. Pour faire les yeux, il existe différents manières de procéder : nous avons choisi celle qui consiste à dessiner plusieurs propositions au feutre de couleur sur une feuille de papier, à les découper et à les positionner à l'aide d'une pastille adhésive de Patafix, pour pouvoir tester des regards variés, séducteur, inquiétant, drôle, interrogateur, hagard... Un point de vigilance, la hauteur des yeux. Il faut en effet veiller à ce que la marionnette ait l'air de regarder son public en face. Il faut donc déjà à ce stade de la fabrication se projeter dans la mise en scène. Pour le reste du corps, on choisit l'option gaine, façonnée dans un tissu quelconque, qui sera ensuite recouverte d'un costume que l'on coud à certains endroits. On prévoit que cette dernière soit reliée au cou — pour ma part, je l'ai cousue puis collée. Le petit bourrelet facilite bien cette étape. Les mains sont également faites en argile ; je prévois qu'elles puissent être mises en mouvement en enfonçant dans chacune une petite tige en bois, par exemple, un bâtonnet de glace. Pour cette étape-ci, j'ai dû me débrouiller seule : les deux mains seront collées à l'intérieur de la gaine. La taille des bras correspond peu ou prou à celle de mes doigts. La marionnette est dite cul-de-jatte car elle n'aura ni jambes ni pieds. Aussi, le façonnage et la mise en place du costume sont-ils simplifiés !
La personnalité de la marionnette dépend bien sûr de l'expression de son visage, mais aussi de sa tenue vestimentaire choisie souvent en fonction de son rôle dans une histoire. Elle doit être un peu caractéristique. A ce stade de mon apprentissage, je me suis contentée d'un vêtement simple et coloré. Par contre, je souhaitais créer une figure un peu bohème, avec chapeau de feutre, lunettes rondes en métal et mélange de tissus. En puis, je la voulais coquette, d'où l'ajout d'une ceinture fleurie, d'un foulard et de boucles d'oreilles en papiers gouachés recouverts de vernis colle. Pour le visage, j'ai utilisé ma palette de couleurs habituelles à la peinture acrylique. Et pour la finition, je me suis procuré un vernis spécifique.
Source(s) d'inspiration : Pas de modèle précis en amont de la création de cette marionnette. Elle a pris corps et a trouvé son propre style en faisant. Toutefois, son gros nez et son regard un peu circonspect puisent directement dans mon goût pour le dessin de tronches et la Caricature. Et la triple jupe s'inspire de la tenue des femmes manouches que je croise régulièrement à Paris.
Difficulté(s) et/ ou piste(s) d'approfondissement : La tête et les mains restent difficiles à manipuler. D'abord, à cause de leur poids respectif. Ensuite, parce je n'ai pas suffisamment bien ajusté ces trois parties dans la perspective de les bouger depuis l'intérieur du corps de la marionnette.
Le petit + : Marion est munie d'un carnet de croquis et d'un pinceau fabriqués aussi à la main. Ils se rangent tous deux dans sa grande poche latérale.
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Marionnette n°2 : L'époux
Contexte : Une commande lancée comme un défi. Pour soutenir mon élan créatif nouveau, c'est-à-dire produire en volume des figures — personnages de récits à venir, je reçois une demande, fabriquer une marionnette dans un délai précis — et avec un modèle ! Ni une ni deux, je me lance ! Car, c'est l'occasion pour moi de tester d'autres manières de procéder, en particulier, trouver des solutions techniques et/ ou plastiques aux difficultés posées par la conception de Marion : une tête plus légère, des cheveux "réalistes", des jambes...
Durée de la création : Pas le choix, j'ai dû travailler plus vite et avec plus d'assurance. Heureusement, mon art-thérapeute a beaucoup apprécié ma première marionnette ; je me sens donc capable de m'améliorer en m'appuyant sur des bases saines de création — je veux dire, éprouvées. Mais, pour me mettre efficacement au travail, je devrai d'abord lutter contre deux tendances déjà maintes fois évoquées dans d'autres articles. 1°) La procrastination, qui me pousse à produire au final dans l'urgence ; 2°) La nouveauté, à savoir, chercher, par peur de l'ennui, à ne pas se répéter en changeant systématiquement de protocole de création. A force, c'est épuisant ! De plus, c'est un frein à la possibilité d'approfondir ou d'obtenir des résultats réellement satisfaisants. Ces deux obstacles écartés, je fabrique néanmoins ma marionnette en un mois. Et je m'obligerai à décider qu'elle est achevée à la veille de la date butoir du défi lancé — seulement.
Déroulement : Dans la globalité, j'ai conçu et conduit ce projet-ci de la même manière que le premier. Dans le détail, plusieurs éléments ont été améliorés ou carrément modifiés. Parce que mon objectif était triple : chercher la ressemblance à mon modèle, gagner en légèreté et du coup, en maniabilité, et fabriquer une marionnette complète. C'est pourquoi, ici, je m'attarderai surtout sur ce qui a changé.
Cette fois, la tête est fabriquée en pâte à modeler pour enfants. Je remarque que je parviens d'ailleurs à obtenir plus de finesse dans le modelage des différents parties du visage, notamment le nez — je fais même deux oreilles ! Puis, j'utilise des bandes de papier d'emballage fin que j'encolle d'un seul côté et que je place. L'ensemble sèche plusieurs jours, jusqu'à complète rigidification. Attention ! : Comme l'étape suivante consiste à ôter soigneusement le plus de pâte à modeler possible, il vaut mieux avoir posé plusieurs couches de papier. Ceci afin d'éviter la transparence ou que le papier craque ou ne se déchire. Le même soin est pris pour les cheveux et la barbe. La laine est découpée en nombreux bouts de longueurs variables, qui sont ensuite collés les uns après les autres. La fabrication du reste du corps n'a pas été une mince affaire ; j'ai dû improviser à partir de ma documentation. En fait, il y a toujours le principe de la gaine sur laquelle est rajouté le costume cousu. Dans la gaine puis la tête, je place cependant un rouleau de carton qui permettra de bouger la marionnette plus facilement. Et je remplis le dit costume de vieux chiffons. Ainsi, la figure gagne en formes et en réalisme. Pour les pieds et les chaussures, j'aurai recours à un savant mélange de toile cirée, de tissus de chiffon, d'argile auto-durcissante et de points de couture. Toujours par goût pour le détail et du fait du contexte de commande, je fabrique enfin des lunettes, une casquette, un pochette en bandoulière — particulièrement caractéristiques de mon sujet.
Source(s) d'inspiration : Je me suis forcément inspirée de ma première marionnette, notamment, sur la taille finale de ce projet-ci et sur le choix d'utiliser à nouveau différents types de matériaux — pour beaucoup recyclés. Ensuite, je me suis servie des nombreux portraits de mon modèle déjà réalisés, en dessin surtout. L'imagination, le jeu et la prédilection pour la manipulation de certaines matières plutôt que d'autres ont fait le reste.
Difficulté(s) et/ ou piste(s) d'approfondissement : Pour l'instant, je dispose d'une seule source de documentation concernant la fabrication des marionnettes, un ouvrage bien illustré, épuisé depuis longtemps. Sur certains points, comme je débute, je trouve malgré tout qu'il manque de clarté. Par conséquent, il y a des étapes que je traverse avec un peu de fébrilité, où j'ai l'impression d'avoir des gestes hasardeux. Ça a été le cas pour la fabrication des chaussures. Par contre, mon intérêt pour le sculpteur hyperréaliste australien Ron Mueck m'a beaucoup aidée dans la traitement de la peau ou des cheveux et de la barbe. Cet artiste travaille les détails avec lenteur, engagement et beaucoup de finesse, qui ont été pour moi — et qui restent — comme des commandement à suivre.
Le petit + : La casquette amovible qui permet de s'apercevoir du souci de ressemblance recherché. Comme sa marionnette L'époux, le modèle est doté d'un grand front. Le col de chemise façonné avec du carton et une bande de tissu cousue. L'époux peut tenir assis, le dos au mur, ou être accroché au moyen d'une boucle de tissu, cousue derrière le manteau.
©ema dée
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